Derr 

[ Pobierz całość w formacie PDF ]

y a-t-il dans la chose qu'on donne qui fait que le donataire la
rend? » (p. 148)
On peut ainsi traduire : le don n'est un don, il ne donne
que dans la mesure où il donne le temps. La différence entre
un don et toute autre opération d'échange pur et simple, c'est
59
Donner le temps
que le don donne le temps. Là où il y a le don, il y a le
temps. Ce que ça donne, le don, c'est le temps, mais ce don
du temps est aussi une demande de temps. Il faut que la
chose ne soit pas immédiatement et à l'instant restituée. Il faut
le temps, il faut que ça dure, il faut l'attente  sans oubli.
Ça demande du temps, la chose, mais ça demande un temps
délimité, ni un instant ni un temps infini, mais un temps
déterminé par un terme, autrement dit un rythme, une cadence.
La chose n'est pas dans le temps, elle est ou elle a le temps,
ou plutôt elle demande à avoir, à donner ou à prendre le
temps  et le temps comme rythme, un rythme qui n'advient
pas à un temps homogène mais qui le structure originairement.
Le don donne, demande et prend du temps. La chose
donne, demande ou prend du temps. C'est une des raisons
pour lesquelles cette chose du don se liera à la nécessité 
interne  d'un certain récit ou d'une certaine poétique du
récit. Voilà pourquoi nous tiendrons compte de La fausse
monnaie, et de ce compte rendu impossible qu'est le conte de
Baudelaire. La chose comme chose donnée, le donné du don
n'arrive, s'il arrive, que dans le récit. Et dans un simulacre
poématique de la narration. L'ouverture de l''Essai sur le don
inscrit donc en épigraphe un « vieux poème de l'Edda Scan-
dinave » dont une strophe (145) se trouve mise en valeur :
Il vaut mieux ne pas prier (demander)
que de sacrifier trop (aux dieux) :
Un cadeau donné attend toujours un cadeau en retour.
Il vaut mieux ne pas apporter d'offrande
que d'en dépenser trop (p. 147).
Mauss manSuvre laborieusement avec cette notion de temps
ou de terme. Il y cherche le trait spécifique du don, ce qui
le distingue du crédit, de la dette ou du paiement tels qu'ils
sont déterminés par le droit ou l'économie de l'Occident
60
Un don sans présent
moderne. En critiquant le vocabulaire de certains auteurs,
Mauss essaie de restituer, si on peut dire, la valeur de don,
de « présent fait » et de « présent rendu » là où certains
voulaient décrire la même opération d'échange, avec intérêt,
comme une opération purement économique, commerciale ou
fiduciaire, sans avoir du tout besoin de la catégorie de don.
Car il peut paraître tentant de se débarrasser du caractère
mystérieux et insaisissable de cette valeur de don. Et puisque
nous le disons avec tant d'insistance « impossible », pourquoi
ne pas y dénoncer une illusion, voire un sophisme ou un
paralogisme, un pseudo-problème aussi bien, que la raison
nous commanderait, en bonne logique, d'évacuer? Ne suffit-
il pas en effet de décrire scientifiquement l'échange objectif
des valeurs avec supplément usuraire, bref une logique du
crédit, des taux d'intérêt et des échéances? Or en réintroduisant
le mot et la catégorie de don là où d'autres auteurs tentent
ou sont tentés de s'en passer, Mauss voudrait réussir plusieurs
opérations (et c'est l'un des traits admirables de son Essai :
mesurer un certain entêtement à l'entêtement de cette non-
chose impossible que serait le don) : 1. réussir à garder une
spécificité originaire au procès du don par rapport à la froide
rationalité économique, au capitalisme et au mercantilisme 
et par là à reconnaître dans le don ce qui met en marche le
cercle de l'échange économique; 2. réussir à décrire la sym-
bolicité qui traverse la froide raison économique, à rendre
compte des phénomènes religieux, culturels, idéologiques, dis-
cursifs, esthétiques, littéraires, poétiques, qui sont inséparables
du procès du don et qui l'organisent à l'intérieur de ce fait
social total dont Mauss fait l'objet même de la sociologie (il
faudrait évoquer ici sa critique d'un certain économisme de
Marx et tout le contexte des Cahiers de Sociologie, etc.);
3. réussir à comprendre l'homogénéité au moins relative de
toutes les cultures humaines, quel que soit le type ou le niveau
de fonctionnement économique et juridique; 4. réussir à faire
61
Donner le temps
du crédit, du temps, du « terme »  ou de la différance [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

  • zanotowane.pl
  • doc.pisz.pl
  • pdf.pisz.pl
  • stargazer.xlx.pl