Victor Hugo Han d'Islande 

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 Eh bien? dirent-ils tous deux à la fois.
 Mes amis, je suis glacé d'horreur! D'Ahlefeld! le lieutenant
d'Ahlefeld! le fils du grand-chancelier! vous savez, mon cher baron
Randmer, ce Frédéric... si élégant... si fat!...
 Oui, répondit le jeune baron, très élégant! Cependant, au dernier bal de Charlottenbourg, mon déguisement
était d'un meilleur goût que le sien. Mais que lui est-il donc arrivé?
 Je sais de qui vous voulez parler, disait en même temps Lory, c'est Frédéric d'Ahlefeld, le lieutenant de la
troisième compagnie, qui a les revers bleus. Il fait assez négligemment son service.
 On ne s'en plaindra plus, capitaine Lory.
 Comment? dit Randmer.
 Il est en garnison à Walhstrom, continua froidement le vieux capitaine.
 Précisément, reprit l'autre, le colonel vient de recevoir un messager... Ce pauvre Frédéric!
 Mais qu'est-ce donc? capitaine Bollar, vous m'effrayez. Le vieux Lory poursuivit:
 Brrr! notre fat aura manqué aux appels, comme à son ordinaire; le capitaine aura envoyé en prison le fils du
grand-chancelier; et voilà, j'en suis sûr, le malheur qui vous décompose le visage.
Bollar lui frappa sur l'épaule.
 Capitaine Lory, le lieutenant d'Ahlefeld a été dévoré tout vivant.
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Han d'Islande
Les deux capitaines se regardèrent fixement, et Randmer, un moment étonné, se mit tout à coup à rire aux
éclats.
 Ah! ah! capitaine Bollar, je vois que vous êtes toujours mauvais plaisant. Mais je ne donnerai pas dans
celle-là, je vous en préviens.
Et le lieutenant, croisant ses deux bras, donna un libre essor à toute sa gaieté, en jurant que ce qui l'amusait le
plus, c'était la crédulité avec laquelle Lory accueillait les amusantes inventions de Bollar. Le conte, disait-il,
était vraiment drôle, et c'était une idée tout à fait divertissante que de faire dévorer tout cru ce Frédéric qui
avait de sa peau un soin si tendre et si ridicule.
 Randmer, dit gravement Bollar, vous êtes un fou. Je vous dis que d'Ahlefeld est mort. Je le tiens du
colonel; mort!
 Oh! qu'il joue bien son rôle! reprit le baron toujours en riant; qu'il est amusant!
Bollar haussa les épaules, et se tourna vers le vieux Lory, qui lui demanda avec sang-froid quelques détails.
 Oui vraiment, mon cher capitaine Bollar, ajouta le rieur inextinguible, contez-nous donc par qui ce pauvre
diable a été ainsi mangé. A-t-il fait le déjeuner d'un loup, ou le souper d'un ours?
 Le colonel, dit Bollar, vient de recevoir en route une dépêche, qui l'instruit d'abord que la garnison de
Walhstrom se replie vers nous, devant un parti considérable d'insurgés.
Le vieux Lory fronça le sourcil.
 Ensuite, poursuivit Bollar, que le lieutenant Frédéric d'Ahlefeld, ayant été, il y a trois jours, chasser dans les
montagnes, du côté de la ruine d'Arbar, y a rencontré un monstre, qui l'a emporté dans sa caverne et l'a dévoré.
Ici le lieutenant Randmer redoubla ses joyeuses exclamations.
 Oh! oh! comme ce bon Lory croit aux contes d'enfants! C'est bien, gardez votre sérieux, mon cher Bollar.
Vous êtes admirablement drôle. Mais vous ne nous direz pas quel est ce monstre, cet ogre, ce vampire qui a
emporté et mangé le lieutenant comme un chevreau de six jours!
 Je ne vous le dirai pas, à vous, murmura Bollar avec impatience; mais je le dirai à Lory, qui n'est pas
follement incrédule. Mon cher Lory, le monstre qui a bu le sang de Frédéric, c'est Han d'Islande.
 Le colonel des brigands! s'écria le vieux officier.
 Eh bien, mon brave Lory, reprit le railleur Randmer, a-t-on besoin de savoir l'exercice à l'impériale, quand
on fait si bien manoeuvrer sa mâchoire?
 Baron Randmer, dit Bollar, vous avez le même caractère que d'Ahlefeld; prenez garde d'avoir le même sort.
 J'affirme, s'écria le jeune homme, que ce qui m'amuse le plus, c'est le sérieux imperturbable du capitaine
Bollar.
 Et moi, répliqua Bollar, ce qui m'effraie le plus, c'est la gaieté intarissable du lieutenant Randmer.
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Han d'Islande
En ce moment un groupe d'officiers, qui paraissaient s'entretenir vivement, se rapprocha de nos trois
interlocuteurs.
 Ah! pardieu, s'écria Randmer, il faut que je les amuse de l'invention de Bollar. Camarades, ajouta-t-il en
s'avançant vers eux, vous ne savez pas? ce pauvre Frédéric d'Ahlefeld vient d'être croqué tout vivant par le
barbare Han d'Islande.
En achevant ces paroles, il ne put réprimer un éclat de rire, qui, à sa grande surprise, fut accueilli des
nouveaux-venus presque avec des cris d'indignation.
 Comment! vous riez! Je ne croyais pas que Randmer dût répéter de cette manière une semblable
nouvelle. Rire d'un pareil malheur!
 Quoi! dit Randmer troublé, est-ce que cela serait vrai?
 Eh! c'est vous qui nous le répétez! lui cria-t-on de toutes parts. Est-ce que vous n'avez pas foi en vos
paroles?
 Mais je croyais que c'était une plaisanterie de Bollar.
Un vieux officier prit la parole.
 La plaisanterie eût été de mauvais goût; mais ce n'en est malheureusement pas une. Le baron Voethaün,
notre colonel, vient de recevoir cette fatale nouvelle.
 Une affreuse aventure! c'est effrayant! répétèrent une foule de voix.
 Nous allons donc, disait l'un, combattre des loups et des ours à face humaine!
 Nous recevrons des coups d'arquebuse, disait l'autre, sans savoir d'où ils partiront; nous serons tués un à un,
comme de vieux faisans dans une volière.
 Cette mort de d'Ahlefeld, cria Bollar d'une voix solennelle, fait frissonner. Notre régiment est malheureux.
La mort de Dispolsen, celle de ces pauvres soldats trouvés à Cascadthymore, celle de d'Ahlefeld, voilà trois
tragiques événements en bien peu de temps.
Le jeune baron Randmer, qui était resté muet, sortit de sa rêverie.
 Cela est incroyable, dit-il; ce Frédéric qui dansait si bien!
Et après cette réflexion profonde, il retomba dans le silence, tandis que le capitaine Lory affirmait qu'il était
très affligé de la mort du jeune lieutenant, et faisait remarquer au second arquebusier, Toric Belfast, que le
cuivre de sa bandoulière était moins brillant qu'à l'ordinaire.
XXXI
«Chut! chut! voilà un homme qui descend de là-haut
par le moyen d'une échelle.
........................................
XXXI 159
Han d'Islande
 Oh oui, c'est un espion.
 Le ciel ne pouvait m'accorder une plus grande
faveur que celle de pouvoir vous livrer... ma vie.
Je suis à vous; mais dites-moi, de grâce, à qui
appartient cette armée.
 Au comte de Barcelone.
 Quel comte?
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 Qu'est-ce donc?
 Général, voilà un espion de l'ennemi.
 D'où viens-tu?
 Je venais ici, bien éloigné de songer à ce que
je devais y trouver; je ne m'attendais pas à ce
que je vois.»
LOPE DE VBGA. La Fuerza lastimosa.
Il y a quelque chose de sinistre et de désolé dans l'aspect d'une campagne rase et nue, quand le soleil a disparu,
lorsqu'on est seul, qu'on marche en brisant du pied des tronçons de paille sèche, au cri monotone de la cigale,
et qu'on voit de grands nuages déformés se coucher lentement sur l'horizon, comme des cadavres de fantômes.
Telle était l'impression qui se mêlait aux tristes pensées d'Ordener, le soir de son inutile rencontre avec le
brigand d'Islande. Étourdi un moment de sa brusque disparition, il avait d'abord voulu le poursuivre; mais il
s'était égaré dans les bruyères, et il avait erré toute la journée dans des terres de plus en plus incultes et
sauvages, sans rencontrer trace d'homme. À la chute du jour, il se trouvait dans une plaine spacieuse, qui ne
lui offrait de tous côtés qu'un horizon égal et circulaire, où rien ne promettait un abri au jeune voyageur
exténué de fatigue et de besoin.
Encore si ses souffrances corporelles n'eussent pas été aggravées par les tristesses de son âme; mais c'en était
fait! il avait atteint le terme de son voyage, sans en remplir le but. Il ne lui restait même plus ces folles [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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